Matière et savoir-faire

« C’est bien grâce aux potiers que la terre tourne » (sagesse potière). 

Travailler l’argile est un savoir-faire ancestral qu’il s’agit de préserver autant que de moderniser. Tout l’enjeu du céramiste est justement de se situer à mi-chemin entre le passé et le futur, juste là, au présent, pour profiter pleinement de l’instant qu’offre la terre. 

Si le retour à l’essentiel peut motiver à plonger les mains dans l’argile, il faudra cependant accepter bien des leçons qu’elle a à nous enseigner. Tout commence souvent par un jeu de patience : le travail du céramiste le remet face à une véritable notion du temps, dans ce monde où tout va pourtant si vite. Le temps ainsi réhabilité, il est possible de mieux produire, mais aussi mieux travailler et surtout mieux consommer.

Devenir céramiste, c’est aussi accepter l’accident. Ouvrir des yeux nouveaux pour réussir à s’émerveiller d’une chose qui aurait pourtant dû être toute autre. Nous insufflons une forme de vie à la matière, qui se prolonge bien au-delà de ce que nos mains ont forgé. Après le travail de l’homme, il y a le travail du vent pour permettre le séchage, et le travail du feu (ou tout du moins de la chaleur) pour permettre à la terre de cuire : il s’agit alors de lâcher prise, comme un avant-goût de la liberté qu’il faudra laisser à l’objet de partir rencontrer de nouvelles mains. Mes créations deviennent les vôtres, elles passent « de mes mains aux vôtres… ».

Enfin, ce que nous pouvons retenir de la terre, c’est que malgré tout ce qu’elle subit, elle deviendra toujours quelque chose. Peu importe combien on la manipule, on la presse, elle pourra un nombre infini de fois sécher, se réhumidifier et pourtant reformer autre chose. Ce n’est que la cuisson, ultime étape de la mise au monde, qui figera cette fois à tout jamais la forme qu’on aura décidé de garder. Après avoir traversé des processus de métamorphose (et des chaleurs !) extrêmes, la terre passe de l’humidité à l’étanchéité, de la fraîcheur à la chaleur incandescente ou encore de la mollesse à la dureté, elle devient céramique, et le processus est terminé.

La terre

Je ne sais toujours pas vraiment si vous choisissez la porcelaine ou si c’est la porcelaine qui vous choisit ! Je dirais donc que nous nous sommes rencontrées, apprivoisées, et que nous travaillons désormais ensemble la plupart du temps. Capricieuse, c’est une terre de caractère, qui possède de nombreuses caractéristiques qui lui sont propres et que je vous propose de découvrir : 

-La porcelaine est presque toujours cuite à deux reprises, dont une fois entre 1200 et 1300°C. C’est ainsi qu’elle entre dans la famille des terres dites de haute température. 

-En réalité, la porcelaine n’est pas une argile mais plutôt une pâte : elle ne peut pas se trouver dans la nature, elle est toujours synthétisée par l’homme dans un laboratoire.

-Une fois cuite à haute température, même sans émail, la porcelaine n’est plus poreuse : elle pourra contenir de l’eau. C’est l’une des raisons pour lesquelles la porcelaine est appréciée pour fabriquer la vaisselle.

-La porcelaine peut être utilisée de différentes manières. On peut la trouver en pains, à l’état solide, il s’agit alors de la modeler ou de la tourner. C’est une terre douce mais que l’on qualifie de très plastique, elle n’est pas facile à travailler. On peut également la trouver « liquide », en barbotine comme on dit. On la travaillera alors dans un moule en plâtre. 

-La porcelaine est une terre qui possède une mémoire !!! Elle a en effet la particularité de garder en mémoire les mouvements que les mains lui ont infligés, c’est pourquoi elle va se déformer beaucoup plus à la cuisson, ne pardonnant pas les maladresses. C’est presque une terre « d’expert ». Cette notion n’est pas évidente à comprendre, je vous invite donc à l’expérimenter ! Avec des mots simples, si l’on donne un coup à une pièce en porcelaine pendant le façonnage, puis qu’on se rattrape ensuite en la remettant d’aplomb, elle risque de se souvenir de la maladresse lors de la deuxième cuisson, et ainsi de se déformer.

-La porcelaine fait partie des terres qui ont le retrait le plus important. Je m’explique, lors du séchage, l’eau quitte la pièce ce qui la fait rétrécir une première fois. Mais pour la porcelaine, elle rétrécira une seconde fois lors de la fusion qui a lieu au moment de la seconde cuisson. Ainsi, une pièce perdra en moyenne entre 10 et 20% de sa taille lors du processus de fabrication !

-La porcelaine a de superbes propriétés de transparence quand elle est fine et cuite à haute température, c’est ainsi que l’on peut en faire de très beaux luminaires (visibles dans l’onglet « Objets »).

-A l’inverse de ce que l’on entend souvent, la porcelaine est très solide ! Elle ne fait de loin pas partie des terres les plus fragiles, une fois cuite. On craint certainement cette fragilité car la porcelaine est souvent travaillée très fine. J’aime raconter une petite anecdote assez parlante : il y a peu, je souhaitais ajouter un trou à une création qui était malheureusement déjà terminée. Je me suis alors armée de ma perceuse et quelle ne fut pas ma surprise quand je me suis aperçue que j’avais abimé mon foret alors que la terre était elle toujours intacte !

L’émail

L’aspect verni de mes créations provient de la pose d’un émail entre la première et la deuxième cuisson. L’émail transparent (ou couverte) est en fait du verre qui s’applique à l’état liquide et se révèle (fond) lors de la 2e cuisson.

L’or

Certaines de mes pièces possèdent un décor à l’or véritable. L’or s’applique à l’état liquide au pinceau, il ressemble alors à un caramel : plutôt épais et brunâtre. Il ne livrera son rendu final qu’après une troisième cuisson, à plus basse température (afin que le métal ne brûle pas). En plus du coût de ce métal précieux, cuire une troisième fois un objet constitue un risque supplémentaire de casse mais également des frais en plus, c’est pourquoi les pièces porteuses d’or peuvent devenir plus onéreuses.

La technique du coulage

La plupart des pièces que je propose sont issues de la technique du coulage. Mais qu’est-ce ? La technique du coulage est le fait d’utiliser un moule en plâtre ainsi que de la barbotine, mot qui désigne une terre à l’état « liquide ». Ainsi, je fabrique ou récupère un objet dont la forme me convient, pour réaliser à partir de ce dernier un moule en plâtre qui peut se faire en une, deux, trois ou nombreuses parties ! Une fois ce moule réalisé, il sera possible d’y couler la barbotine (d’où le terme coulage) et de récupérer un tirage issu de l’empreinte de l’objet initial. 

ATTENTION, utiliser un moule n’est ni une solution de facilité, ni une solution de rapidité, et encore moins un gage d’obtenir de nombreuses fois la même pièce ! La fabrication d’un moule de qualité est longue, chaque tirage prend également du temps, et chaque pièce doit être retravaillée une fois sortie du moule. De plus, il est très rare que mes pièces se résument au coulage d’un élément : bien souvent, j’assemble plusieurs parties coulées ou bien j’ajoute des parties modelées à la main. Vous l’aurez donc compris, toutes les pièces même celles issues des mêmes séries sont donc uniques.